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Ce que je reproche aux gens – Réflexions d’un regard inquiet

À l'heure de l'abondance matérielle et de la pénurie intérieure, ce texte soulève une question dérangeante : où sont passée la dignité, le goût et la beauté du simple ? Une chronique qui observe le monde contemporain avec mélancolie et lucidité, nous appelant à prendre la responsabilité d'être - et pas seulement d'avoir.

RÉFLEXIONS

5/15/20254 min temps de lecture

Je ne suis ni un donneur de leçons, ni un moraliste de salon. Mais parfois, ce que je vois autour de moi me laisse sans voix, comme si l’humanité s’était peu à peu vidée de sa lumière.

La Chine aligne ses usines, fait suer son peuple pour vêtir le monde entier. Partout, des vêtements, des tissus, des boutiques flambant neuves surgissent comme des champignons. Et pourtant… nous nous habillons comme si nous n’avions plus d’âme. Comme si le vêtement, au lieu de révéler l’être, ne servait plus qu’à camoufler le vide.

Ce que je reproche aux gens, ce n’est ni la pauvreté ni la richesse. Ce que je leur reproche, c’est le vide.
Le manque de goût. L’absence d’imagination. Et, comme si cela ne suffisait pas, une indifférence presque insolente à la beauté, à la propreté, à l’élégance de l’instant.

Nous vivons, j’en suis convaincu, à l’ère de la génération des chaussures sales.
Il suffit de monter dans le métro, de regarder les pieds.
Parfois, une silhouette semble soignée, presque élégante… jusqu’à ce que le regard tombe sur les baskets.
Fatiguées, grisâtres, blanches tachées de mille pas anonymes. On y devine les rues, les stations, les négligences.
Alors, on comprend : on ne s’habille plus vraiment. On s’enveloppe. Par habitude. Par ennui.

C’est une époque étrange : jamais nous n’avons eu autant de riches,
et pourtant, jamais la richesse n’a semblé aussi pauvre.
Grâce à l’Internet, des fortunes naissent en un clic. Mais l’esprit, lui, reste en friche.
Des poches pleines, et des têtes vides.

Il n’y a plus de tenue, plus de manières, plus de respect pour l’autre ou pour le monde.
Seulement du bruit. De l’arrogance. Des gestes creux.
On parle fort. On s’exhibe. On s’agite.
Mais les regards ne voient plus. Les oreilles n’écoutent plus.
Et le cœur… le cœur semble endormi.

On est devenus si vides que l’on en vient à louer l’imagination d’un autre pour décorer sa propre maison.

Je me souviens d’un chantier, lorsque je travaillais dans le bâtiment.
Un client nous avait engagés pour aménager sa maison — une villa immense, presque un château, avec une vue majestueuse sur le Tage.
La façade, toute blanche, était restée blanche. Rien n’avait changé, si ce n’est le prix des meubles.

Le client avait engagé une décoratrice d’intérieur. Elle ne savait ni dessiner, ni utiliser Autocad, ni aucun logiciel professionnel.
Mais il faut lui reconnaître une chose : elle avait de l’esprit, elle avait de l’imagination.
Et l’imagination, elle, n’a pas besoin de diplôme. Elle dépasse toujours la technique, car elle n’a pas de limites.
Même le ciel ne peut la contenir.

Les meubles, les électroménagers étaient les plus chers du marché, importés d’Espagne.
Les anciennes fenêtres en pierre ont été remplacées par de l’aluminium — encore une fois, blanc.
Toujours le blanc. Comme si cette obsession trahissait un désir de paix, de pureté, de silence…
Ce que ni l’argent, ni aucun objet matériel ne semble pouvoir offrir.

Après des mois de travaux, le chantier fut achevé.
La maison n’était ni plus belle, ni plus moderne.
Elle avait simplement des meubles plus chers.

Voilà où nous en sommes.
Nous sommes devenus des misérables modernes.

Et parfois, quand je regarde des documentaires sur des temps passés,
je ressens une étrange forme de jalousie.
Ces gens n’avaient pas de grands moyens, mais ils étaient élégants.
Ils étaient dignes — oui, dignes. C’est ce mot que je cherchais depuis le début.

Aujourd’hui, tout fout le camp.
Même à la télévision, qui autrefois dictait l’élégance et inspirait la société,
il ne reste rien. Plus de style. Plus de mesure.
Plus de respect pour ce qui est beau, juste, ou vrai.

Quelles sont vos impressions ?
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-Did de st Vigor-

Échos des Lecteurs

<< Être digne ou ne plus être

Je me souviens des années 60, juste après la guerre. Il y avait ces baraquements construits à la va-vite pour reloger les plus pauvres. On y survivait, oui, mais on y vivait bien aussi.

Nos oncles, nos tantes, nos grands-mères, nos copains d’école… tous y posaient leur sac ou leur cartable à la fin de la journée.

Il n’y avait ni téléviseur, ni téléphone, juste la TSF. Mais ici, on savait qui portait le maillot jaune du Tour de France. C’est vrai, on disait des grossièretés, on se disputait, on picolait parfois… Moi, je n’étais pas vraiment "d’ici", j’étais d’à côté, mais je m’y sentais bien. Parce qu’ici, il y avait quelque chose de précieux : le respect de l’autre.

Même mon père, pourtant dur et toujours sérieux, s’y sentait bien. Ma mère, elle, était heureuse de rendre visite à ma grand-mère. Elle se sentait chez elle aussi. Elle remettait du charbon dans la vieille chaudière, elle passait un coup de balai, pour que tout soit un peu plus digne. Tiens, voilà ce mot. Digne.

Aujourd’hui, tout a été rasé. À la place, il y a de vraies maisons, avec de belles clôtures. Mais ici… on ne se parle plus. À peine si on se salue. On ne regarde plus la télévision ensemble. On se connecte. On a des milliers "d’amis".

Mais est-ce qu’on est encore dignes, ici ?
Je ne sais plus.
Peut-être qu’un jour, on ne saura même plus ce que ce mot veut dire.